La masturbation
Iconic - Lola Houari Crocherie
Claire Bouchard
Pour écrire sur la masturbation féminine, nous nous sommes dits qu’un aperçu historique serait un bon point de départ.
Car si aujourd’hui, tu peux (presque) en parler sans qu’on te jette des cailloux, ça n’a pas toujours été le cas.
Entre tabous, inventions médicales douteuses et une imagination débordante pour diaboliser le plaisir féminin, l’humanité a mis du temps à accepter le plaisir des femmes.
D'ailleurs la découverte du clitoris c'est... 1998.
Oui oui 1998 ! Ou plus exactement, c'est en 1998 que se fait la première description anatomique complète et précise du clitoris par Helen O'Connell, urologue australienne.
Mais revenons-en à notre aperçu historique.
Les premières traces potentielles de masturbation féminine remontent à... loin. Très loin.
En Égypte ancienne, on a retrouvé des artefacts en pierre qui semblent aborder le sujet.
Certains y voient des objets rituels, d'autres les ancêtres de nos sextoys.
Les preuves directes sont rares et sujettes à débat.
Chez les Grecs et les Romains, le plaisir féminin est reconnu, mais lié à l'hystérie.
Forcément…
Les femmes ne seraient pas capables de “contrôler leurs pulsions" et l’olisbos clairement identifié comme un sextoy, leur aurait permis d'assouvir leur hystérie à l'abri des regards. Mieux vaut tolérer cela que de les voir se jeter sur les hommes en pleine rue (n'est-ce pas).
L'utérus était considéré comme un "animal" qui pouvait causer des problèmes s'il n'était pas "satisfait".
L'olisbos était vu comme un substitut sexuel, notamment pour les femmes dont les maris étaient absents.
Arrive le Moyen Âge.
Un aperçu implique forcément de simplifier certains aspects, de faire des raccourcis, bien que le sujet soit riche et complexe.
Donc le Moyen Âge : c’est le blackout total. Entre l’Église qui classe le plaisir solitaire au rayon « péché mortel » et la vision du plaisir féminin qui ne s'améliore pas... Mais nuançons : le blackout n'est pas si total.
L'Église condamnait effectivement la masturbation comme un péché, mais la considérait généralement moins grave que les relations sexuelles hors mariage.
La masturbation féminine n'a pas totalement disparu des radars. Des traces d'une industrie de sextoys florissante pendant la Renaissance tardive ont été découvertes.
Au 18ᵉ siècle, la masturbation devient une obsession… mais pas dans le bon sens. Samuel-Auguste Tissot publie en 1758 un livre expliquant que l’auto-érotisme épuise le corps et l’esprit.
Spoiler : c’est du grand n’importe quoi, mais tout le monde le croit (ou presque).
Et au 19ᵉ siècle, c’est encore pire. La médecine s’emballe et invente des solutions radicales pour « soigner » ces pauvres femmes qui auraient l’audace de se toucher. Clitoridectomie, camisoles de force, appareils anti-masturbation… L’imagination des médecins est sans limites.
Freud débarque au début du siècle avec une théorie : selon lui, l’orgasme clitoridien est immature, et une femme épanouie doit jouir par pénétration.
Autant te dire que ça n’aide pas vraiment à normaliser la masturbation.
En 1948, Alfred Kinsey publie une étude qui fait l’effet d’un tremblement de terre : plus de 60 % des femmes avouent se masturber. Choc, scandale, remise en question.
Puis, dans les années 1970, Betty Dodson arrive avec son livre Liberating Masturbation et ses ateliers où les femmes apprennent à se découvrir avec des miroirs et des sextoys. Petit à petit, l’idée que le plaisir féminin est légitime commence à faire son chemin.
Aujourd’hui, la masturbation féminine est de plus en plus assumée. Les sextoys se démocratisent, les publicités osent (presque) en parler.
Malgré les tabous qui ont traversé l’histoire et continué à peser sur la masturbation, en particulier celle des femmes, la honte qui l’entoure se dissipe peu à peu, laissant enfin place à plus de liberté et de plaisir.
Arrêtons cet aperçu sur ce point : il y a autant de manières de se masturber que de femmes. Il n'y a pas de recette, de bonne ou de mauvaise manière. C'est l'invitation à ce que tu trouves ce qui te fait plaisir à toi. Ce qui te fait du bien à toi.
Nos tips masturbation
Quand on ne s'est jamais masturbé, ça peut paraitre effrayant de se faire plaisir sans être avec un.e partenaire. Et pourtant, la masturbation a énormément de bienfait sur la santé, aussi bien physiques que mentaux. La masturbation aide à réduire le stress et l’anxiété, soulage des douleurs pendant les règles, améliore la confiance en soi, favorise le sommeil et bien d’autres choses !
Maintenant qu’on peut se dire que la masturbation n’est plus un tabou, voici nos conseils pour se découvrir :
Tout d’abord, si vous n’êtes pas du tout à l’aise de vous auto-découvrir, il pourrait être intéressant d’aller voir une sexologue ou sexothérapeute pour en discuter, ça vous permettra de vous libérer de vos blocages et de construire une relation saine avec votre corps.
Avant de vous masturber et d’explorer votre intimité, vous pouvez prendre le temps de découvrir votre corps avec une huile de massage. Pensez à masser votre poitrine, vos cuisses, vos fesses… De cette façon, vous apprendrez à mieux connaitre votre corps et les sensations qu’il vous procure.
La deuxième étape serait de se munir d’un lubrifiant et d’aller explorer sa vulve, sans être dans la recherche de l’orgasme, juste pour découvrir ce qui vous fait gémir de plaisir. Pour vous aider, je vous conseille de regarder le livre de June, jouissance club qui est rempli d’illustration pour se faire plaisir, ça vous guidera lors de votre exploration.
Pour celles qui ont du mal avec le contact direct avec leurs vulves, vous pouvez utiliser des sextoys interne ou externe, selon vos envies ! Les sextoys facilitent le lâcher-prise, car ils permettent de se concentrer uniquement sur le plaisir.
Pour celles qui veulent tester des nouvelles techniques, il y a le Humping qui consiste à se frotter contre un oreiller, un matelas ou un vêtement texturé pour stimuler son plaisir. Vous pouvez aussi vous faire plaisir sous la douche, le petit plus c’est d’enlever le pommeau de douche pour pouvoir jouer avec le jet.
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L’orgasme n’est pas la finalité de la masturbation.
L’important, ce n’est pas d’atteindre un but précis, mais d’explorer votre corps avec curiosité et bienveillance. La masturbation est avant tout un moment d’intimité avec soi-même, une manière d’apprendre à se connaître, d’écouter ses sensations et de cultiver son propre plaisir sans pression.
Prenez le temps d’expérimenter, d’explorer différentes caresses, rythmes et sensations. Certains jours, vous aurez envie de douceur, d’autres de sensations plus intenses, et parfois même, vous n’aurez pas envie du tout – et c’est parfaitement normal.
Se masturber, c’est aussi un acte d’amour envers soi : c’est accepter son désir, honorer son corps et lui offrir du plaisir en toute liberté. Alors, lâchez prise, amusez-vous et laissez-vous guider par vos envies !
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Claire & Lola